La télévision comme utopie

Maître incontesté du cinéma italien néo-réaliste, Roberto Rossellini (1906-1977) est avant tout célébré pour des œuvres comme Rome ville ouverte, Stromboli ou Voyage en Italie. Son projet d'encyclopédie historique à travers la télévision, qui l'occupe entre 1963 et 1974, reste en revanche une part peu connue de son activité. Parallèlement à la réalisation de films correspondant à ses nouveaux objectifs, Rossellini expose sa volonté d'une éducation par les moyens audiovisuels dans de nombreux essais et entretiens. En présentant ses textes les plus emblématiques, l'historien Adriano Aprà convie à une réflexion générale sur l'ensemble du projet, sur sa validité idéologique par rapport aux théories modernes ou sur l'usage des sources historiques et documentaires à la base des films. Du plaidoyer pour la télévision d'État à la place de l'homme dans l'Histoire, de Viva l'Italia au Messie, l'ouvrage aborde pour la première fois les points essentiels de la réflexion de Rossellini sur "la faculté d'apprendre et l'art d'enseigner". –Sandrine Fillipetti

Mes années Eustache

La Maman et la Putain – film culte au parfum de scandale qui en 1973 consacre son réalisateur et reste dans les mémoires comme un symbole. Le mythe Eustache : saltimbanque, noctambule alcoolique, dandy issu du prolétariat, provocateur, séducteur… Une présence avant tout qui fascine. Evane Hanska l'évoque comme un mystère, un sortilège. Elle se risque à regarder en arrière, à se laisser hanter par les douloureux souvenirs de sa liaison avec lui. Il ne s'agit nullement d'une biographie mais d'une ultime lettre adressée au défunt qui retrace leurs premières rencontres à la Closerie des lilas jusqu'à son suicide en 1981. Le trouble, le dépit, la tendresse se mêlent dans ce qui pourrait ressembler à un hommage, intime et dépourvu de toute solennité. Le style est libre, farouche, le ton à la fois agressif et plein d'un sens de la dérision qui nous familiarise avec ce personnage énigmatique. On l'imagine accoudé au bar avec son Jack Daniel's et un sourire en coin. –Claire Mazurel