Les Films de ma vie

Avant de s’imposer comme un immense metteur en scène – Les 400 coups, Jules et Jim, Fahrenheit 451, Baisers volés, L’Enfant
sauvage, La Nuit américaine, L’Histoire d’Adèle H., L’Homme qui aimait les femmes, Le Dernier Métro, La Femme d’à côté, Vivement dimanche !, etc. –, François Truffaut (1932-1984) a inauguré une nouvelle façon de regarder les fi lms et d’en parler. Ses articles passionnés pour les Cahiers du cinéma en témoignent.
Ce livre, devenu une Bible pour tous les cinéphiles, rassemble les articles que Truffaut avait lui-même sélectionnés : Capra, Hawks, Hitchcock, Kubrick, Wilder, Clouzot, Cocteau, Ophuls et Guitry notamment pour les Français, sans oublier les textes sur ses « copains de la Nouvelle Vague », ainsi que des articles consacrés à ses réalisateurs préférés : Ingmar Bergman, Jean Renoir, Charlie Chaplin, Orson Welles, Luis Buñuel, Carl Dreyer, Jean Vigo…
Le premier de ces écrits : « À quoi rêvent les critiques ? » analyse l’ambiguïté des relations entre les créateurs et ceux qui les jugent. « Lorsque j’étais critique, écrit François Truffaut, je pensais qu’un fi lm, pour être réussi, doit exprimer simultanément une idée du monde et une idée du cinéma ; La Règle du jeu ou Citizen Kane répondaient bien à cette définition. Aujourd’hui, je demande à un fi lm que je regarde d’exprimer soit la joie de faire du cinéma, soit l’angoisse de faire du cinéma et je me désintéresse de tout ce qui est entre les deux, c’est-à-dire de tous les films qui ne vibrent pas. »

Hitchcock, édition définitive

En 1955, François Truffaut rencontre Alfred Hitchcock pour les Cahiers du cinéma. En 1962, Jules et Jim vient consacrer son talent de cinéaste et il prépare La peau douce (1964), de son aveu même le plus hitchcockien de ses films. Aux Etats-Unis, Hitchcock, avec Frenzy (1962), est au faîte de sa créativité et de son succès. Mais les critiques restent réticents. Naît alors l'idée du hitchbook : un livre dont Truffaut serait l'initiateur, le provocateur même, et qui révèlerait la vraie nature de l'homme, vulnérable, sensible, et aussi les secrets perdus que détiennent les grands cinéastes qui ont commencé à l'époque du muet. Hitchcock accepte le principe de répondre à 500 questions portant exclusivement sur sa carrière. Pendant cet entretien qui va durer 4 ans, Truffaut va l'interroger à la façon dont Œdipe allait consulter l'Oracle. Il tentera d'élucider à travers toute l'œuvre de Hitchcock les mécanismes de ce langage d'émotion qui est le ressort de son style inimitable et le classe dans la catégorie des artistes inquiets comme Kafka, Dostoïevski ou Poe . Le Hitchbook paraît en 1967. Après la disparition de Hitchcock, le 2 mai 1980, François Truffaut complète la première édition par un chapitre sur ses derniers films et une courte préface en guise de long adieu : L'homme était mort mais non le cinéaste, car ses films, réalisés avec un soin extraordinaire, une passion exclusive, une émotivité extrême masquée par une maîtrise technique rare, n'en finiraient pas de circuler, diffusés à travers le monde, rivalisant avec les productions nouvelles, défiant l'usure du temps, vérifiant l'image de Jean Cocteau parlant de Proust : Son œuvre continuait à vivre comme les montres au poignet des soldats morts .